“Quelques données sur la laine et le mouton » rapport de Christine Lang


Thème de l'intervention :Quelques données sur la laine et le mouton »

Présentation intervenants : Christine Lang


Que retenir de l’histoire récente de la fin du 20e siècle
Au début des années 50 la production annuelle de laine de mouton est de 100 000 tonnes et le nombre des ovins en France de 9 900 000 selon la fédération ovine en 1949[1]. La France importe très peu de mouton (principalement d’Algérie).

La laine en revanche donne lieu à une très forte importation. L’industrie a besoin de 117 240 tonnes de laine lavée à fond (ce qui correspond à 263 790 tonnes de laine en suint) dont 109 090 tonnes pour l’industrie lainière proprement dite, le reste allant au matelas, à la chapellerie, à la filature artisanale.
La France ne peut fournir alors que 12 515 tonnes (8400t provenant de métropole + 4075 provenant d’Afrique du Nord +40t des autres Territoires d’Outremer) soit environ 11% de ses besoins.

Après la guerre, la part des dépenses d’habillement dans la consommation des Français a été en constante diminution. (16.15 % en 1949, 10.30 en 1959, 8.84 en 1969, et 6.93 % en 1979). Le consommateur abandonne le port de vêtements lourds (manteaux, tailleurs…) et se tourne vers les nouvelles propositions textiles. La crise de 1973-1974 marque une nette rupture qui inaugure une longue période de dégradation des industries lainières et de la demande en laine brute.
Dès les années 50 les industries lainières ont subi de profondes mutations du fait de l’irruption des fibres chimiques et de l’automatisation croissante de la fabrication. Entre 1950 et 1973 la production française de fibres chimiques à été multipliée par 4,8. Ces fibres, moins chères et mieux adaptées aux conditions de vie moderne que la laine, répondaient, de ce fait, mieux aux attentes des consommateurs.
De 1950 à 1966 : 880 entreprises parmi les plus petites entreprises familiales ont disparu.[2] En 2010 une seule grande filature familiale perdure (Bergères de France à Bar le Duc).

Et aujourd’hui ?
En 2008 le cheptel ovin européen atteint 91 millions de têtes. En France, en novembre 2009 l’effectif du cheptel se situe autour de 7.5 millions[3] (contre 10 en 1949). La production lainière brute est d’environ 22000 tonnes, soit 9700 tonnes de laine lavée contre 12515 dans les années 50. La demande de viande ovine augmentant d’année en année depuis 1949 le cheptel français n’a cessé d’augmenter pour atteindre 12850000 têtes en 1980. La concurrence internationale de l’hémisphère sud, la stagnation des cours, les difficultés de mécanisation de cette production et les crises sanitaires à répétition ont ramené le cheptel ovin à 7.5 millions en 2010.

Population de moutons dans le monde par pays
Production par pays de 200 millions à 24 millions
Production par pays de 21 à 7 millions
Autres pays que ceux ci-après, ensemble
199 389 000
Afrique du Sud
21 275 000
Chine
171 961 000
Syrie
21 000 000
Australie
 87 711 000
Algérie
19 500 000
CEI
 72 421 000
Brésil
15 600 000
Inde
 64 269 000
Pérou
15 000 000
Iran
 52 220 000
Mongolie
14 815 000
Soudan
 49 000 000
Somalie
13 100 000
Nouvelle Zélande
 39 122 000
Uruguay
11 000 000
Royaume-Uni
 33 946 000
Afghanistan
10 000 000
Pakistan
 26 500 000
Grèce
 8 803 000
Turquie
 25 400 000
France
 8 499 000
Nigeria
 23 994 000
Italie
 8 227 000
Ethiopie
 23 700 000
Roumanie
 7 678 000


TOTAL
1 097 108 000
Sources FAO et Woolmark company. Moutons laine et viande


La production de laine a peu diminué en fait. Mais le vrai changement c’est que cette matière est devenue pour la plupart des éleveurs, un sous-produit de l’élevage et un déchet. 55% de la viande ovine consommée en France sont importés. Autrefois la viande était le sous-produit des moutons mérinos et autres races à laine. Aujourd’hui la viande est le produit phare de la production ovine avec le lait, bien entendu pour la fabrication du fromage dans certaines régions spécialisées.
Cela surprend mais en 2010 la laine n’est pas (plus) un produit agricole et elle ne peut profiter d’une AOC par exemple ou d’aides à la production.

En Europe le prix de rachat de la laine, à l’éleveur producteur, est de 0.3 à 1.20 € le kg pour les laines textiles. Il ne couvre pas le coût de la tonte.
La production et la consommation de fibres ont explosé et il serait aujourd’hui pratiquement impossible de produire suffisamment de laine pour une population de 6 ou 7 milliards de personnes. Il y a quarante ou cinquante ans, la laine représentait 10% à 12% de la consommation de fibres dans le monde, aujourd'hui elle représente 1,6% avec des changements assez importants dans son utilisation.

Dans le secteur vestimentaire, la laine ne représente que 3% du marché des fibres textiles. Quelques laines françaises (Ile de France, Texel, Blanche du massif Central, Mérinos Antique d’Arles…) trouvent encore leur place sur le marché dans l’artisanat local les autres ne correspondent plus aux exigences de l’industrie.

Les utilisations de la laine[4]
Les éleveurs se débarrassent parfois de leur laine en la brûlant. En Grande Bretagne, les toisons sont utilisées en paillage aux pieds des arbres fruitiers, elles se désagrègent lentement et servent ainsi d’engrais, elles peuvent également être enfouies dans le même but. En France, on trouve une usine qui transforme la laine en feutre industriel et qui offre une gamme de feutre horticole pour les jardinières et pour d’autres utilisations au jardin.

Les usages anglais ont inspiré un programme de recherche sur un engrais fabriqué avec de la laine. Ce produit a été développé dans le cadre d’Interreg III, un programme du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), en collaboration avec Valagro, l’université de Poitiers, le Critt horticole de Rochefort-sur-Mer et les centres techniques de deux partenaires portugais et espagnol.

Mais la laine a de nombreuses utilisations « high tech » porteuses d’espoir et d’avenir
Les qualités de la laine en font une matière actuelle.
  • Résistance au feu, produit antistatique, absorption de l’humidité,
  • Filtre : l’air, la poussière, les produits chimiques, le gaz et les odeurs.
  • Elasticité, feutrage contrôlé, maintien la couleur, toucher, tombant des tissus et des habits, vêtement respirant. Confort, douceur, isolation du froid, du bruit.

Savez-vous qu’aujourd’hui la laine est lavable en machine et qu’on trouve des costumes pour hommes lavables sous la douche le soir et sec le lendemain matin, sans besoin de sèche linge et de repassage ?

Savez-vous quelles sont les utilisations actuelles de la laine dans votre quotidien ? Dans l’industrie ? Dans le secteur médical ?
Savez-vous que la laine de mouton est utilisée pour les vêtements de protection des pompiers en raison de sa résistance au feu ?

Diriez-vous spontanément que : vos balles de tennis et de baseball contiennent de la laine ?
Que le massacre de la « Lettre à Elise » écorchée par votre enfant débutant au piano est atténué par les feutres de laine des têtes de marteaux … ?

Et encore … savez-vous que les dérivés de la laine, comme la lanoline sont également utilisés en cosmétique ?

La laine vous accompagne même dans vos voyages en avion ? Comment ?

Petit inventaire des utilisations

Vêtements de protection
Textiles intelligents
Médical

Industrie
Protection dans l’industrie
Dans la maison et les loisirs

Uniformes de police
Semelles moléculaires
Bandages et Bandages de compression
Joints, rondelles
Air conditionné
Décoration d’intérieur
Uniformes militaires
 Polymères conducteurs
Pansements pour blessure
Panneaux isolants
Maîtrise du bruit et des vibrations
Sièges en peau de mouton,
Uniformes de pompiers
(Résistance au feu)

Peau de mouton pour usages médicaux
Filtres électrostatiques
Echangeurs de chaleur
Couvertures
Uniformes pour compagnies aériennes


Seconde peau pour prévention d’escarres et ulcères,
Filtres produits chimiques

Filtres pour la poussière/ les odeurs chimiques électrostatiques
Isolation toiture, Isolation phonique des murs,
Vêtements de nuit pour enfant et Vêtements pour bébés
(pour ses qualités thermiques et résistance au feu)

Genouillère
Filtres poussières
Filtres pour produit chimiques toxiques
Couettes
Chaussettes et gants


Filtres absorbant de métaux toxiques
Isolants phoniques pour intérieurs d’avions

Tapisseries murales, tapis moquettes
Vêtements imperméables,


Filtres à odeurs de produits chimiques
Intérieurs d’avion, de train (Tissu sièges)
Tissu d’ameublement
Bottes et vêtements en peau de mouton




Feutre table de billard, garniture balles de baseball balles de tennis (entourée de feutre de laine)
Costumes lavables en machine, pulls, chapeaux,




Feutres pour piano (marteaux)






Accessoires, Flanelles, sous-vêtements thermiques






Sport Vêtements de ski …






Quelques données chiffrées[5]
La Laine est produite dans une centaine de pays par plus de 1 milliard de moutons. Les principaux producteurs sont l’Australie, l’Argentine, l’Uruguay, l’Afrique du Sud, la Nouvelle Zélande, la Chine, l’Inde, la République Islamique d’Iran, la Russie, le Royaume Uni. Selon le pays, elle est produite par de petits éleveurs ou par de grosses exploitations commerciales. La production mondiale de laine est estimée à 2.1 millions de tonnes par an. L’Australie en fournit le 5e, la Chine, la Nouvelle Zélande, l’Iran, l’Argentine, et le Royaume uni ont produit chacun plus de 50 000 tonnes en 2005.[6]

Plus de 37% de la production sont constitués de laine fine (19-20microns), 22% de laine moyenne et 41% de laine grossière (30-35 microns). Ces laines ont des usages différents de la moquette à la aux sous-vêtements.

Avec 1 kg de laine brute on obtient environ 500 g de laine lavée (la laine brute représente en moyenne 2 à 2,25 fois le poids de la laine lavée) et 200 ou 300g de produits finis après la filature et le tricotage industriel (tissus maille, jersey…). Ces produits seront ensuite utilisés pour la confection.

Il y a 50 ans, le poids moyen des tissus en laine était le triple de ce qu'il est aujourd'hui. L’amélioration de la finesse des laines mérinos permet de produire actuellement des fibres ultra légères avec un pouvoir couvrant d'habillement très supérieur.
La finesse et la légèreté de la fibre, associée aux qualités d’isolant thermique (aussi bien du chaud que du froid) permet également de produire des collections de vêtements d’été en laine.

La laine est principalement utilisée dans la manufacture de vêtements (66%) et dans l’aménagement intérieur : décoration, textiles, ameublement, tapis, moquettes (30%), les 4 % restants concernent les utilisations industrielle de la laine.


Un élevage nécessaire et pourtant menacé
Chaque jour 600 brebis disparaissent en France suite à la dégradation du revenu des éleveurs de moutons. Beaucoup de zones leur sont retirées parce que c'est plus facile et plus rentable de cultiver du blé.
Pourtant on a besoin de l’élevage ovin sur les territoires et son utilité est multiforme : nettoyage des terres cultivées, entretien des pare-feux, des zones d’avalanches, valorisation des chaumes et des paysages … On pourrait remettre des moutons au milieu de la Beauce, parce que si la Beauce a cette richesse, elle la doit en particulier aux troupeaux de moutons qui pendant des siècles ont parcouru tous ces espaces. Aujourd'hui, ils ont disparu ou sont confinés, mais historiquement la fertilité de la Beauce est en partie due à des tonnes de fumiers de moutons, qui au cours des années valorisaient l'ensemble des sous-produits des récoltes.
Paradoxalement, c'est aussi pour ça que dans les zones difficiles, le mouton va résister, mais cela demande un accompagnement politique sur les territoires.[7]

Certaines régions ou départements relancent leurs activités autour de la laine. Creuse, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes, Haute Loire … D’autres encore relocalisent leurs artisans et petites industries, ou « métamorphosent » leurs traditions, la production laine sort de l’oubli, elle revient avec des idées nouvelles, des formes d’organisations innovantes sur les territoires.



[1]                 René MUSSET : Le mouton et la laine en France in : Annales de Géographie, 1954, t.63, n°337, pp.238-240

[2]                 Bibliographie
                  Jean-Claude DAUMAS : L’industrie Lainière en France : un siècle de mutations (1870-1973)
                  René MUSSET : Le mouton et la laine en France in : Annales de Géographie, 1954, t.63, n°337, pp.238-240
                  Base de données « PERSEE » du Ministère de la Jeunesse, de l’éducation nationale, et de la recherche. Direction de l’Enseignement supérieur. Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

[3]                 Agreste : la statistique agricole ; Ministère de L’agriculture service de la statistique et de la prospective
[4]           La laine pour un environnement plus et plus sûr. Plaquette d’informations sur la laine éditée par IWTO. 2010
[5]           La laine pour un environnement plus et plus sûr. Document IWTO 2010

[6]           Données FAO 2009
[7]           Paroles d’acteurs séminaire international du 6 mai

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